Mémoire de la population
Portraits d'habitants
Zora Berriche
« L’électron libre ou l’engagement citoyen »
Il y avait déjà le grand père maternel venu en 1918. Il avait quatre femmes au pays et vivait à Marseille avec une Italienne. M.Berriche Abdelhafid est manœuvre dans une glacière. Il est arrivé seul en France en 1947 pour y travailler. 1954 arrivée de la grand- mère maternelle et de la maman avec ses trois enfants (Aissa, Hadi, Fatiha). D’autres enfants naîtront ici de cette union : 1961 Karima, 1963 Rachida, Safia 1964, Zora en 1965, Farida en 67, Ouarda en 1968, Habiba en 1970.
Le père milite pour le F.L.N., dans un réseau clandestin en tant que passeur d’armes. Il sera incarcéré avant l’indépendance, en 1962 à la prison des Baumettes et au camp du Larzac. A son retour il projette, avec une famille proche qui s ‘installe à proximité de leur demeure, la construction d’une maison à 2 étages. La famille Berriche occupera le second étage. Elle peut ainsi s’agrandir.
Une enfance au vert
Il y avait le jardin de la grand mère, qui résistait malgré le manque d’entretien, mais surtout le poulailler et les lapins. Dans ce quartier « Tante Rose », elle se rappelle du lilas, des coquelicots, des marguerites, des genets, du pissenlit et des papillons. La marmaille d’enfants construisait des arcs des lance-pierres, inventaient des histoires de cowboys et d’indiens, avec un sentiment de liberté dans la nature bienveillante de Verduron Haut. A Verduron bas, prés de la Gavotte, il y avait les écoles maternelles, primaires et les commerces.
Être différent
A l’école primaire, il y avait des classes d’enfants de parents étrangers (Maghrébins, Portugais, Espagnols…). les enfants « Français » faisaient un parcours de classes normales. Seuls les plus forts des enfants étrangers, à petite échelle, rejoignaient ces classes là.
Entre enfants il n’y avait pas de différence, c’est au niveau de l’organisation structurelle de l’école que cela se passait. Élève non studieuse, Zora n’aimait pas l’école, mais les avantages que cela représentait – avoir de nombreux camarades de jeux.
En Cm2 l’enfant qu’elle était se rappelle de cette institutrice qui faisait attention à ses premiers progrès scolaires.
Dans ce lieu de vie, Tante Rose, les familles sont arrivées calquant le modèle urbain européen. Il n’y avait pas de bidonvilles, mais des maisons en bois, puis très tôt des maisons en dure avec des portails. Même si le projet de la famille restait le retour au bled.
En 1976 déménagement en H.L.M. au Parc Kallisté afin de profiter de la proximité du bus et du collège. Il s’agit pour la famille d’être moins isolée dans les hauteurs. Pour cela la famille vend tout et ils se retrouvent tous : le grand-père maternel, la famille Berriche et leurs cousins.
Au Parc Kallisté, immense cité avec de grandes barres d’immeubles, la famille Berriche vivra dans la barre la plus haute, le bât H. Très vite, elle découvre des comportements bizarres : les bagarres, les cris, les insultes au niveau des enfants, des adultes dans l’oisiveté, des adolescents avec des comportements à risques, des mobylettes bruyantes qui roulent à pleine vitesse, les squats des halls d’entrée, malgré la proximité d’espaces verts limitrophes qui permettaient de poursuivre les escapades de Verduron Haut.
Le collège Vallon des Pins représentait de la nouveauté pour agrémenter le déménagement, prés des commerces, des médecins et des kinésithérapeutes. Ce souvenir, encore aujourd’hui, n’est pas déplaisant, même si Zora n’occulte pas les interventions de police dans le quartier auprès de jeunes. Le bâtiment H était réputé pour être problématique. A ce collège, elle effectuera sa 6ème et la 5ème . Le port de la blouse était obligatoire.
1979, c’est l’arrivée à Saint Barthélémy III, Zora a 14 ans. Elle se constitue un nouveau réseau d’amis du Mail, des Flamants et de Font-Vert où sa sœur ainée a vécu. Son frère aîné, lui a habité Picon.
Zora navigue d’une cité à une autre et assouvit un besoin de circuler et d’expériences multiples et diverses.
Elle arrive malgré son manque de motivation à faire partie des meilleurs élèves, comprenant ainsi qu’elle est dans un quartier sensible et que le niveau scolaire est bas (ce qui explique les bonne notes, contrairement à sa période au collège Vallon des Pins). Les orientations sont souvent des culs de sacs. Zora refusent de faire l’orientation cuisine, sous l’influence de sa sœur Karima. M. Occelli professeur de français lui donne le goût de la lecture et de la critique. Il l’encourage à faire une seconde générale.
1981 : Lycée Antonin Artaud, dans le 13ème arrondissement. Le niveau scolaire élevé la contraint à redoubler sa classe.Ce qu’elle aime avant tout dans ce lycée, c’est le club théâtre. En 1985 elle passe son bac littéraire- A2, qu’elle obtient au repêchage.
Elle commence un engagement militant et se propose en tant que bénévole dans le cadre du soutien scolaire. Elle sera recrutée par Marie-Geneviève Martin et Huguette Fouquet à la Maison de Quartier Busserine. Altruiste elle veut se rendre utile.
Une vie d’engagements – Ancrage dans la vie sociale du quartier
1986 Zora passe son B.A.F.A. et s’inscrit en faculté de lettres – DEUG de Communication et Science du Langage, option spectacle vivant.
Elle aime être en compagnie d’étudiants engagés d’origine étrangère, ceux du réseau de sa sœur Karima. Après un an elle décroche de la faculté et retourne dans l’animation. Elle embarque Karima au soutien scolaire.
C’est par le biais de Marie-Geneviève Martin qu’elle fait la connaissance de l’A.S.S.U.R. (Association de regroupements d’animateurs). Cela lui permet de participer à la colonie du quartier , côtoyant ce bouillonnement et cette dynamique artistique et culturelle, à travers le réseau de militants et d’animateurs du quartier – Bania Medjbar, Zoubida Meguenni…
1986-88, sans faire le choix d’une carrière sociale, cela lui permet de rester en contact avec les familles, les enfants. Parallèlement elle maintient son activité théâtrale, au sein du Théâtre du Petit Matin sous l’égide de Nicole Yanni, qui était aussi intervenante à la faculté de lettres d’Aix en Provence.
1990, Elle passe un concours au conservatoire d’art dramatique de région ,avec Jean Pierre Raffaelli et Marcel Maréchal. Elle a l’impression d’être en décalage avec les acteurs du conservatoire issus de milieux sociaux plus favorisés.
Entre 1988 et 1991, c’est une nouvelle expérience qu’elle partage sur Font-Vert, au sein de l’ADRIM avec Marie Civeletti. Elle repère les premiers trafics de drogue dure ( caves squattées puis murées), sur le quartier de la Busserine.
1990 – 91, Zora poursuit Animation et Théâtre, passe son B.E.A.T.E.P. ( Brevet d’État d’Animateur Technicien d’Éducation Populaire) Spectacle vivant en milieu multiculturel organisé par le C.L.A.P.
La famille déménage pour habiter à Plombières dans une copropriété dans le 3ème arrdt, quartier populaire de la Belle de Mai.
1991- 92, elle travaille au théâtre Toursky, en tant qu’ attachée relations publiques. Cette même année, elle dépanne des amis qui ont monté la Cie l’équipage au hangar désaffecté de la R.T.M. aux Catalans, puis à la Friche de la Belle de Mai.
1994, elle rencontre le père de son fils, Sami naîtra en Janvier 1995. Zora lève le pied et coupe tout contact avec le monde du spectacle et du social. Elle déménage pour la Belle de Mai et revient en 1996 à ST Barthélémy III. Elle ne peut s’empêcher de rester sans « rien faire ». Elle obtient un contrat aidé à la Maternelle Vayssière pour animer l’espace bibliothèque.
1997, Zora s’essaie à l’animation cantine puis met en place des ateliers théâtre. Face aux résistances et à l’immobilisme institutionnel, elle s’engage à la F.C.P.E. dans les associations de parents d’élèves et se trouve confrontée aux mêmes problèmes qu’elle a connu en tant qu’élève. Le niveau scolaire est toujours aussi faible et ça semble normal, une fatalité.
2000, Animatrice de Médiation Culturelle à Body ans Soul.
2001-2005 : Parent d’élève et bénévole à l’A.S.C.Q.B. où elle anime un groupe de parole de parents, avec des personnes ressources autour de thématiques (drogues, éducation, loisir, santé , logement…)
Suite à la canicule et aux pannes d’ascenseurs durant l’été 2002 dans la tour du Bât. D de St Barthélémy III, Zora relaie la parole et colère des habitants. Une de ses voisines contacte la Presse et la Direction d’HMP. Avec un noyau d’insatisfaits, elle monte une association autour de la thématique – Habitation et Jeunesse : « Association Habitat-Jeunesse ». L’objectif de cette association étant d’ essayer de créer des rencontres entre voisins et d’améliorer le cadre de vie.
Actions : le printemps des voisins et le premier mai, sous forme de moments festifs sous la pelouse en bas de la tour D, chacun amène sa nourriture. L’animation de jeu, s’organise avec les partenaires A.S. C.Q.B. , Comité Mam’Ega, Maison de quartier, Collectif Citoyen Logement et l’actuel Agora, afin de rassembler un maximum de locataires et sensibiliser la population sur les questions autour de l’ Habitat
Entre 2002 et 2005, Zora se rapproche du Collectif Citoyen Logement avec Jordi Delofeu. Elle essaie de suivre les réunions et les actions de 2002 à 2010.
En 2002, Zora est salariée au Théâtre du Merlan – attaché de relation publique – pour un remplacement de trois mois puis en avril 2003 un mi-temps C.D.I. Zora y travaille encore en ce mois de juin 2013.
Il existait déjà une autre association de locataires : « l’association de défense des locataires C.G.L. Son moteur c’est de ne pas rester sans réactions face aux situations d’injustice. Chaque fois il faut se mobiliser pour obtenir ce qui existe ailleurs, c’est une vie au service de principes égalitaires.
Texte J-P Ega