Marseille est souvent présentée comme une cité cosmopolite aux 111 quartiers. L’afflux de migrants depuis le XIX e siècle a effectivement opéré une importante sédimentation de populations sur laquelle la ville a largement construit son identité. La représentation d’un territoire communal morcelé s’appuie sur une réalité tout autant historique et administrative – avec la formation du plan cadastral qui, depuis l’Empire jusqu’à sa rénovation en 1946, segmente la ville en sections et en quartiers –, que vécue. La dispersion de l’habitat sur les collines qui entourent la baie du Vieux-Port et la richesse historique des vies de quartier ont contribué au déclin du centre ville depuis le XIXe siècle, à tel point que certains considèrent que la ville souffre d’une absence de centralité urbaine. L’importance des références au quartier et des identifications à cette méso- échelle entre ville et logement dans le quotidien des Marseillais, en font un cas d’étude stimulant pour la réflexion sur les modalités d’appropriation et d’expression de mémoires ancrées dans la migration… Virginie Baby-Collin, Stephane Mourlane /Université de Provence (Aix-Marseille I)

Le quartier

« Mon quartier, entre deux mondes, réalité et utopie … »

Le Quartier ; Ce lieu de vie ou chacun pense qu’il est sien. Un jour un départ pour ailleurs, vous fait prendre conscience au retour, que ce bâtiment où je suis né et où j’ai grandi n’est plus le même. Ceux qui ont été témoins de mes premiers émois ne sont plus, le cadre est pourtant là et tout est si différent, il n’y a plus la même saveur. Je suis étranger dans cet endroit où c’est écrit mon histoire, seul les murs répondent à ma mémoire cette page arrachée à ce lieu qui n’est plus le mien, et où d’autres rires d’enfants déjà, écrivent à leur tour une page nouvelle.

Aujourd’hui, un monstre, la L2 éventre le paysage et transforme ce décors, bousculant dans nos têtes ces images du passé qui s’effacent devant nous, alors on s’accroche et se débat, avant que tout ne se défassent. Seul le témoignage de « ces vies minuscules » révèle cette histoire passée. Ces récits fondateurs détenteurs de « trésors » selon l’expression de Pierre Michon, récits de modestes personnes, mais aussi de professionnels, qui évoquent leurs souvenirs d’enfance, de jeunesse ou expériences survenues.

Le territoire : « la Mémoire des Lieux »

Cela peut être St Barthélemy III, La Benausse, Les flamants, Le Maïl, La Busserine. Ces témoignages nous éclairerons en partie sur la vie de nos cités entre 1954 et 2014. Nous y croiserons des mutations urbaines, économiques et sociales qui ont transformé le quartier jusqu’à nos jours :
  • Changement de populations
  • Changement d’espace urbain (démolition de plusieurs bâtiment : le « p » et la tour « K » à la Busserine, le « E » à St Barthelemy III, la tour de Picon… L’école de la Busserine, le terrain de tennis déplacé, la piste d’athlétisme et le boulodrome supprimés, le terrain de foot modifié et une nouvelle route qui traverse du bâtiment « A » au bâtiment «J ».
  • Arrivée de la drogue : Cannabis, l’héroïne et cocaïne
  • Economie parallèle et violence croisent une vie associative en plein essor hier et à bout de souffles de nos jours.
Tous ces témoignages ont permis d’illustrer à travers « une transversalité contée » la vie de ces ilots qui font le Grand St Barthélémy.
Pour ce faire nous avons tenté de relier les expériences antérieures du Comité Mam’ Ega :
  • Les Echos de la Busserine (avec André Vidal)
  • Mémoire, d’hommes Mémoire de quartier / Monsieur Tir, un Marchand de Bien
  • Le journal numérique du grand St Barthélémy à travers ces portraits d’acteurs et d’associations
Pour souligner une cohérence et une continuité dans la démarche de Mémoire dans laquelle le Comité s’inscrit depuis sa création à nos jours.

Ces « impressions de voyages » sont des regards croisés, des témoignages d’habitants ou d’opérateurs à un instants donné sur la vie du quartier.

Ma Cité

«Ma Cité
Elle est charme, elle est violence,
Elle est tendresse et puis prison,
Elle est luxure et abandon,
Elle est passion et dérision
Ma Cité.
Deux jeunes arbres ont vu le jour, dans ton sein tumultueux,
Ma Cité.
Aujourd’hui, l’un d’entre est fort et son feuillage obstrue le jour sous ma fenêtre,
Ma Cité.
L’autre au tronc pareil tend ses doigts nus, crispés vers le ciel, comme pour retenir la vie qui lui échappe,
Ma Cité,
Symboles vivants d’une réalité qui est tienne, celle d’un monde ou le faible se fait piéger. »

1976/ JP EGA