Jacques Marty

Né le 2 janvier 1929 dans un petit village à 50km de Toulouse, Puy Laurens, Jacques Marty est arrivé à Marseille en 1951.

Issu d’une famille modeste de 4 enfants dont l’un décède très jeune, Jacques est le seul garçon. Il étudie très jeune dans une école privée, pris en charge par la communauté chrétienne. Son père est artisan menuisier et la famille a des revenus modestes. C’est à l’âge de 10 ans que Jacques est appelé par la vie de Jésus.

À l’issue du baccalauréat, il décide d’entrer au Séminaire étudier la Théologie trois années, mais Jacques n’est pas attiré par la vie de Prêtre, cela se confirme à l’âge de 20 ans au service militaire, son meilleur ami est un anti-chrétien, communiste, et Jacques est convaincu qu’il y a une autre façon de prêcher l’Evangile par l’amitié plutôt que par la Parole.

La Notion de Service / « Crier l’Evangile par toute sa vie »

1949 , c’est la fin de la guerre et l’Action Catholique est très importante, orientée sur les autres, « se mettre au service des autres ». Jacques se pose alors la question en réaction du mouvement Scout, et s’occupe de tous les autres.

1951, le voici pour la première fois à Marseille où il décide d’une autre manière de vivre sa foi en travaillant à l’usine. Il passe ses premiers mois à Berre l’Etang pour un travail manuel de terrassier puis fait une formation F.P.A. de fraiseur (formation professionnelle pour adulte), cachant son diplôme pour avoir accès à cette formation

Plus à l’aise dans le geste que dans le discours, Jacques est embauché Aux Chantiers de Provence (chantier naval) où il travaille durant toute une année . Il y découvre les luttes syndicales très importantes à cette époque. Cette année-là qu’il y rencontre M. Montarello militant syndical (qui deviendra une autre figure du quartier St Barthélemy).

1953 Départ pour l’Algérie :
La Fraternité Charles de Foucault lui propose une formation en Algérie, au sud du Sahara, il accepte pour savoir s’il a la vocation. Le groupe est constitué d’une trentaine de personnes.

Octobre 1954, le jeune Marty est nommé à Alger. Le 1er novembre 1954 il se souvient du jour de l’insurrection. Il travaille en tant que fraiseur dans une usine où il y a de nombreux pieds-noirs. Jacques souligne avec une sérénité dont ce personnage est pétri qu’il y avait avant la guerre une mixité sociale entre la communauté Française et Algérienne, jusqu’en 1956 . Déjà à l’époque refusant de participer aux « grèves raciales », il se démarqua et s’engagea pour aider des Algériens. Jacques souligne en souriant ces amitiés avec de autochtones.

1957 Retour en France.
Il quitte Alger pour faire des études Théologiques à Toulouse pour trois longues années.

En 1960 retour à Berre. Il travail à Butagaz-Shell à Rognac-.

1961 Jacques retourne à Marseille, il travaille à nouveau aux chantiers de Provence en tant que fraiseur. Il participe à la création d’une fraternité (c’est une équipe de trois religieux) sur le quartier de la Belle de Mai.

1966 Quelques soucis de santé apparaissent et viennent ralentir les engagements de Jacques. Les huileries nombreuses à l’époque sur Marseille et dans son quartier, l’obligent à déménager pour la Busserine où il vit enconre.

1967 Le diagnostic, il est allergique au ricin qui provoque de l’asthme.

1969 A l’âge de quarante ans Jacques Marty devient prêtre, mais il n’a pas de responsabilités pastorales, c’est l’époque de ces premiers militants religieux qui prennent en charge, en l’absence de structures, l’animation du quartier. Parmi eux : les Pères Francou et Hutard, puis Georges Cotin et Francis Lesme, le frère Henry Chalon…;
La petite Chapelle Ste Claire compte à ce moment-là 4 prêtres. C’est la Communauté Chrétienne qui accueille et organise les sorties qui rythme la vie du quartier. Quartier qui déjà s’étendait de la campagne Picon à la Busserine et au Grand St Barthélemy et dont la chapelle était le Centre géographique.

1977 Début de la création du Métro de Marseille. Jacques est électromécanicien à la R.T.M..C’est une entreprise stable où il y a peu d’immigrés. Il y restera jusqu’à sa retraite en 1989.

Sur le plan Cultuel, en 20 ans la Communauté Chrétienne de la Chapelle Ste Claire est devenue minoritaire et les musulmans (maghrébins et comoriens essentiellement) représentent approximativement 70 à 80% de la population du quartier, (Busserine, Picon, St Barthélemy III) le reste étant constitué de quelques Gitans, Antillais, Chrétiens d’Afrique et d’Europe.

Les pères Jésuites sont partis et les prêtres de la Mission de France n’habitent pas le quartier, mais au Castellas, d’où une implication moins importante).

Témoignage de Jacques Marty

A mon arrivée à la Busserine en 1967, la communauté chrétienne était nombreuse et vivante. Une association familiale avait été formée et organisait des sorties à Champolion dans les Alpes. Elle jouait un rôle très social sur le quartier. Je m’y suis associé très discrètement. C’est l’époque où Mam’Ega faisait du catéchisme.

Mais vers 1980 je m’y suis associé davantage. Le départ du quartier de nombreux européens, avait fortement diminué le nombre de familles chrétiennes.

Il y a eu tout un groupe de réflexion biblique très dynamique.
Des fêtes surtout à Noël, et une chataîgnade, étaient organisées, ouvertes à tous.

Vers 1995, n’ayant aucune responsabilité officielle et les prêtres responsables (Mission de France) n’habitant plus le quartier, je me suis senti une certaine responsabilité, d’autant plus que les pouvoirs publics me considéraient comme responsable.

La communauté est actuellement très diminuée, je m’en sens responsable en lien avec celui qui en a l’autorité.

Depuis 40 ans il s’investit dans la vie du quartier et lutte pour l’amélioration du cadre de vie social et urbain, ce qui lui vaut de recevoir en 2000, avec Mme Taragonnet, la médaille de chevalier de l’ordre du mérite.

Jacques Marty, lui vit toujours au L3 depuis son arrivée dans le quartier, avec deux autre frères : Guillaume comme lui à la retraite et Jean-Michel qui travaille comme maçon au grand travaux de Marseille. Jacques est considéré comme l’autorité officieuse de la communauté Chrétienne, il n’a pas d’autorité pastorale…

Ce sage au regard pétillant de vie, cheveux grisonnants, et sourire aux lèvres, décrit l’action sociale, énumérer avec précision les acteurs et les grands tournants de la vie du quartier. Il garde au fond de lui cette même flamme qu’alimente sa foi en Dieu et en l’homme.

Parfois des anecdotes croustillantes ou douloureuses alimentent le débat. Relatant ces histoires avec distance et en souriant, comme pour témoigner que c’est tout cela un peu la Vie et qu’il faut comme lui continuer l’action dans le respect de tous. Il a l’attitude et l’humilité des grands hommes et pour tout cela, au nom de tous nous lui disons merci..

Engagements et chevaux de bataille

LOGEMENT ET CADRE DE VIE

1972 Jacques n’a pas de mission précise. Il vit de son travail et décide de se préoccuper de la vie de son quartier et rendre service. Le logement devient son cheval de bataille

Avec des personnalités qui ont été les pionniers de la vie de ce quartier, Jacques a consacré son temps libre à cette « notion de Service ».

M.Zanon .M.et Mme Rambonona demandent à Jacques Marty de participer à la création de l’association des locataires de la Busserine et c’est le début de son action officielle sur le quartier. Elle sera déclarée en préfecture en 1973, avec un bureau représentatif des communautés et de la population qui dépendent du logeur LOGIREM (le quartier est constitué d’un enchevêtrement de plusieurs cités qui ne dépendent pas du même bailleur).

Le Président : M. Zanon (Espagnol de catalogne)
Le Vice Président : M. Fonndelot (Martiniquais)
Le trésorier : Mme. Rambonona (réunionaise)
Le Secrétaire : M Jacques Marty
M. Akroun (Algérien)
M. Sébaoui (Agérien)
Mme Marguerite Jouve

En soutien à l’association on retrouve Mme Françoise Ega (Martiniquaise) et Mme Centofanti (d’origine Italienne) qui font partie des militants mais de St Barthélemy III et de la Busserine.

A l’époque l’association était affiliée à la CNL (Confédération Nationale pour le Logement)

L’association réagit contre les offices H.L.M pour la défense des locataires. En effet le sentiment d’abandon est grand.

Et c’est un événement tragique : le décès d’une fillette à cause des encombrants non nettoyés. La logirem est obligée de prendre ses responsabilités face à la propreté de la cité.

En 1975 à l’initiative de l’association des locataires une grève des charges est organisée : 200 sur 288 locataires versent les charges à l’association, sur un compte spécial ouvert à la poste, soit 17 millions d’ancien francs qui ont été reversés à la logirem au terme de la grève. L’objectif de cette manœuvre était d’éviter que les habitants ne dépensent le montant des charges et ne soient plus en mesure de les rembourser à la fin de la grève. Car ce n’était pas le montant des charges qui était contesté mais bien leur utilisation. Le rôle de Jacques devient alors très important car il faut veiller au grain face à cet argent pour pouvoir faire pression sur le bailleur pour la rénovation du bâti. Il bénéficie alors du soutien de sa communauté, particulièrement de Guillaume, bien que celui-ci resta en retrait de l’action officielle.

Jusqu’en 1990 les relations entre l’Association et le logeur – LOGIREM sont conflictuelles.

L’emprunt pour la construction étant remboursé, l’objectif de l’association était de pousser la logirem à utiliser les frais financiers économisés, pour réhabiliter la cité, sans augmenter les loyers.

1990 Réhabilitation et changement d’attitude du bailleur, qui est poussé au dialogue. cCela apparaît comme une nécessité entre locataire et logeur ! Enquêtes puis rencontres permettent d’évaluer les besoins de réhabilitation, avec une majoration de 30% sur les travaux initialement prévu .

L’Etat propose une aide de 40% sur le coût de l’opération ;

Le Conseil Générale 13 propose 10%

Le C.I.L. a participé à hauteur de 2 millions de francs et a un taux de remboursement Zéro…

De plus le Crédit Mutuel propose un emprunt avec une garantie à taux faible sur 10 ans.

Soit au total sur la masse des travaux 55% de financement. Ce qui représente proportionnellement une augmentation du loyer nettement inférieure à la réhabilitation de St Barthélémy III dont l’aide publique n’est seulement que de 20% du financement total. C’est exceptionnel dans l’histoire des réhabilitations de l’époque.

La concertation avec la population touche 70 à 90% de locataires, tous ont été visités, Jacques et les militants de l’association firent du porte à porte. Le bat L et le M ont le mieux répondu à cette enquête. La vie sociale à la tour était plus difficile que pour les autres habitants, de fait, la population de la tour de la Busserine est moins représentée. Sur 288 fiches, l’association obtient 90% d’accord pour une majoration du loyer de 30%seulement.

Tout cela conduit à considérer l’association des locataires comme un élément d’influence incontournable.

Avec la « Réha », il y a eu comme grands travaux ;

Des ascenseurs à tous les étages
Des ouvertures du bâtiment M nord et sud
Des Halls à la Tour
Dans les appartements : Réfection de tous les sanitaires, de l’électricité, des menuiseries (installation de fenêtres en PVC et de double vitrage)

Jacques poursuit sourire aux lèvres avec son calme légendaire : « la réalisation a été douloureuse car c’est difficile de vivre pendant les travaux, cela a duré une année avec des contraintes terribles. » Il y a eu une grande proximité entre les entrepreneurs, les cadres de la Logirem et la population.

Bien que Jacques Marty ne fut jamais président de l’association des locataires son implication dans ses actions lui vaut la reconnaissance de tous et même de la ministre du logement de l’époque Noëlle Linemane qui lui glissera, lors d’une réunion à Paris sur l’évaluation des la réalisation des réhabilitations HLM : « Merci, nous savons votre implication dans ce projet »

Il est resté au sein du Conseil d’administration de cette association jusqu’en 2002.

LE LIEN SOCIAL : MAINTENIR LE DIALOGUE

1970 PREMICES DU VIVRE ENSEMBLE

Sur le quartier la population européenne est majoritaire, ( enseignants, cheminots, fonctionnaires dont beaucoup de la RTM …) mais il n’y a pas ou peu de liens et de vie de quartier).

C’est une époque où les échanges communautaires sont rares et face à la difficulté de dialogue, l’on perçoit une nécessité d’organiser des réunions sur le « Racisme ».

Des modes de vie et pratiques culturelles et cultuelles différentes, des préjugés et le manque de dialogue engendrent des problèmes sociaux et nourrissent un racisme basique. Celui de l’ignorance.

Jacques se sent en décalage, privilégié, par rapport à la population et son lieu de travail. Alors que le quartier s’ouvre a une immigration croissante… Il s’engage moins sur son lieu de travail et décide de consacrer son temps libre au quartier plutôt qu’au syndicat.

Tout ses efforts sont orientés vers les échanges et le respect des uns et des autres.

De 1972 à 1989, Jacques se concentrera sur l’association des locataires et participera à l’animation du quartier via celle-ci.
Ainsi en 1973 La 1ère « fête du quartier » est organisée par l’association des locataires sur sur le terrain au pied du bâtiment M (actuel terrain de basket bleu) Chacun met la main à la pâte :M Zanon fit le tour des commerces pour obtenir des lots, Jacques emprunta la fourgonnette de son patron, pour déplacer le matériel.

De même il participe aux actions de la paroisse sans pour autant y avoir de responsabilités pastorales.

1989 Jacques est à la retraite et il note qu’il y a beaucoup plus de solidarité entre les différentes associations. En effet il rappelle les difficultés de positionnement entre la Maison des Familles et des Associations (MFA) et la Maison de Quartier. (En effet celle ci, qui était le premier équipement municipale sur le quartier, prêtait sa salle pour des fêtes, mais les habitants gênés par le bruit avaient souhaité la création de la MFA car elle était plus isolée pour accepter l’Animation on la surnommera d’ailleurs la salle des mariages.)

A la demande d’ Huguette FAUQUET, la Directrice, il prend à ce moment-là la présidence de la Maison de quartier via l’Association d’Animation Sociale et Culturelle Maison de Quartier de la Busserine (AASCMQB) qui lui était « associée ». Son élection fait l’unanimité, Jacques découvre alors sa « popularité » dans le quartier, et en est stupéfait. Il restera président jusqu’en 1995. En restant au Conseil d’administration, il apportera son soutien indéfectible à cette structure jusqu’en 2002, période à laquelle la Maison de Quartier Busserine devenue centre d’animation Busserine, et AASCQB se dissocieront. Il poursuivra alors sa route avec l’AASCQB pour l’aider à monter le projet de Centre Social. L’agrément fut obtenu en 2005. En 2009 Il tient toujours sa place au Conseil d’Administration de l’actuel Centre Social Agora (ex AASCQB)
De Même il fait aussi parti du Conseil d’Administration de la Maison des Familles et des Associations

L’homme de médiation qu’est Jacques Marty essaie encore et toujours avec la même sérénité de faire la part des choses entre les différentes structures malgré leurs divergences. Afin que tous puissent aller dans le même sens : celui du partenariat, du dialogue et de la mutualisation.