Samir Ghernaia

« J’ai appris à me débrouiller seul, hors de toute structure associative. Pour réussir, il faut partir »

Samir est fils de Slimane, ouvrier retraité qui a soixante ans, et d’une maman femme de ménage. La famille compte six enfants, trois garçons et trois filles. Samir est le jumeau d’une sœur et le dernier-né de la famille. Il nait le 24 juin 1992.

Premiers souvenirs

Aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours grandi à la Busserine, d’abord au bât.J, puis depuis 1998 au bât.G2 à St Barthélémy III. Sa petite enfance, heureuse, s’est déroulée dans le quartier. Les parents veillent sur leur progéniture, les enfants étaient autorisés à sortir devant le J, sur la pelouse et le stade, sous la surveillance des grands frères et sœurs.

 

École de la Busserine : Samir est un enfant dynamique et sportif. Il se souvient des carnavals scolaires où il défilait avec ses camarades dans le quartier, l’un d’entre eux dans un costume de pieuvre. Il gardera de cette période des amitiés toujours vivaces, surtout avec Lamine, l’ami Sénégalais.
Ces souvenirs sont doux et la récréation était un moment important qu‘il partageait avec les autres enfants.
Mme Baillant la directrice était une personne rigoureuse à l’allure stricte, elle n’ hésitait pas à tirer les oreilles, si cela s’imposait.

Samir retient aussi que Mme Ducos l’institutrice du CM1 avait lors de la coupe du monde de 2002 autorisé la diffusion du match de football : France 0 – Sénégal 2.

Samir garde un bon ressenti sur la qualité de l’encadrement et la pédagogie des instituteurs de cette école primaire. Même à la Busserine, il est possible de réussir sa scolarité si on est motivé…, mais il ne se donnait pas à 100%. Il était très agité durant ces premières années, avec des résultats moyens, à la hauteur des efforts qu’il consentait à fournir.

En cm2, il a de fait un certain retard au regard de son attitude. Néanmoins, il apprécie la géographie et surtout l’histoire. Il fait le constat en tant qu‘élève d’un manque d’outils pédagogiques. Samir est suivi par sa sœur de treize ans son aînée. Elle a ouvert la voie à toute la fratrie. Elle est aujourd’hui assistante sociale.

En 2002 Samir découvre le Comité Mam Ega, il a 10 ans. Il viendra pour dessiner, écouter des histoires et apprécier le « support livre », encadré d’Élisabeth et de Farid, avec qui il est toujours en lien.

Il croisera aussi à travers l’association des intervenants autour de sorties culturelles et de lectures de contes. Tous les mercredi, cet apprentissage de la lecture de façon ludique lui apporte ce goût du livre et suscite chez lui un sentiment de curiosité.

Le Comité représente une pause, une récréation dans la vie de Samir. C’est un moyen de s’évader d’un quotidien aux réalités parfois moroses. Il y viendra durant trois années avec sa sœur jumelle Imen.

Les rapports avec sa cellule famille sont plutôt bons. Un père assez autoritaire et vigilant, un exemple de courage. A travers lui Samir dit avoir appris la vie d’un homme. Il était le plus exigeant au niveau de la scolarité, soutenu par Samira, la grande sœur. La maman, dont il est plus proche, est plutôt protectrice.

Les années Collège

C’est au Collège Pythéas dans le quartier, que Samir poursuivra sa scolarité. En 6ème, l’adaptation sera bonne, même s’il demeure moyen et peu motivé. Il aime bien la technologie sous l’enseignement de Mme Ouvrenagueule.
En 5ème /4ème il choisit Anglais et Italien, mais considère que l’enseignement est trop abstrait, trop éloigné de la réalité. Il sera plus motivé pour la piscine du mercredi matin qu’il pratique durant deux heures.

C’est en 3ème que Samir se reprend en main, puis il se relâche à nouveau. L’ambiance de la classe n’est pas propice au travail. Il s’ouvre sur les autres quartiers. Ses copains pratiquent le Rap, la Break danse. Ils habitent Picon, le Mail, les Flamants, ou Font vert. Bien qu’il n’adhère pas à la dynamique associative, il pratique le foot hors structure.

Une adolescence insouciante

Samir passe son adolescence dans le quartier où il connaît les codes et se sent bien. Son père veut déménager, mais lui préfère rester.
Il a ses repères, malgré les « inconvénients ». Quand on lui demande quels sont-ils ? Samir répond : « il n’y a pas beaucoup de jeux pour les enfants… » et hésite un instant. Il en oublierait presque de signaler le deal environnemental de l’économie parallèle des trafiquants de drogues, l’argent facile comme il dit : « cela fait partie du paysage ». Cette réalité se banalise car cela existe dans tous les quartiers.

À 14 ans, son frère aîné Farid l’inscrit au lycée Nord dans une activité de rugby avec Marseille 13. Il y restera deux ans et sera surclassé, il faut dire que son physique est assez imposant.

La famille veille sur l’évolution de Samir. Il suit un peu de soutien scolaire quand il fréquente le collège Pythéas, avec Belkacem du BT B7, cellule du Centre Social Agora implanté au pied de l’immeuble en face de chez lui.

A 16 ans, il commence un B.A.F.A. (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) qu’il ne finalisera pas par le perfectionnement pour des raisons financières. Il travaillera durant deux été à Durbon, dans des colonies mais en tant qu’agent technique.

En seconde, Samir s’inscrit au L.E.P. Le Châtelier. Il s’attache aux ateliers et participe à des stages à la Calade chez la S.E.H. (Société d’Engins Hydrauliques), ainsi qu’à la S.N.C.F. de la Blancarde en tant qu’agent de maintenance. Il passera un B.E.P. de M.E.I. (Maintenance d’Équipement Industriel). Samir aime et s‘intéresse à son métier.

Pour réussir, il faut partir

À 18 ans il décide de pratiquer un sport de combat. Il choisit le Jet Kundo, à la croisée du free fight et de la self-défense. Il souligne que c’est le sport que pratiquait Bruce Lee.
L’été, il fait des petits boulots : maçon, livreur ou agent de sécurité, « au noir ».

Son réseau se diversifie, il a désormais des amis du centre ville et de toute la région. Samir a envie d’ailleurs. Il trouve que le loyer est cher pour ses parents, même si ces fréquentations sont bonnes, pour réussir, il faut partir : « trop de quartier tue le quartier ». Vivre ici c’est dur, c’est un handicap si tu restes. J’ai appris à me débrouiller seul.

Il passe son BAC en 2012 au Lycée Privé de la Cabucelle, où il y restera ces deux dernières années.

Samir conclut ainsi son portrait par ces souhaits : « Avoir un bon métier, un salaire, la santé pour en profiter, une bonne vie. Réussir sa vie ce n’est pas forcément gagner beaucoup d’argent mais suffisamment pour vivre en sécurité avec sa famille ».

Souhaitons lui bonne route.