Drifa Douaflia

« Ne jamais baisser les bras, partager et faire ensemble »

Née le 25 janvier 1964, en Algérie en Kabylie, Drifa Douaflia est la fille de Messaouda et de Hamouda Mafoud, agriculteur. Elle est la 3ème enfant d’une fratrie. Elle a grandi à Allauch, puis au clos et à la Bégude Sud.

Ce sont mes meilleurs souvenirs

Elle a vécu à la campagne dans une maison individuelle, avec des fruits et légumes et avec des animaux (poules, lapins, moutons…). Le père travaillait pour M. Guy Ceradimini, propriétaire terrien, à la ferme au milieu des vignes. Le patron était très proche de son père. Elle se souvient du grand bassin où elle a faillit se noyer. Jusqu’à 12 ans, elle allait à l’école du village de la Pounche. Elle faisait les devoirs chez sa maîtresse. Jeune elle ne se souvient pas de distinctions entre Français et Maghrébins.

Mme Jutier les gardait pendant les accouchements de sa maman dans la propriété limitrophe. Elle avait comme privilèges accès aux cerises, jujubes et raisins. Devant l’ école il y avait un arbre à Kakis – un plaqueminier -, un figuier, des mûres et du mimosas. Les week-ends tous les cousins venaient de la Pomme et de St Loup.

Driffa se souvient de la boulangerie du quartier qui connaissait bien la famille. Elle se rappelle de l’école primaire de la Begude. Un jour d’été où la famille s’était absentée, un incendie s’est déclaré et a ravagé la maison, tout avait brulé.
Drifa et sa famille se retrouvent pendant deux mois hébergés par l’école. Drifa ressort choquée de cette mésaventure et c’est la solidarité du village qui s’organise autour d’eux.

Puis c’est l’exode pour le Clos, les H.L.M. Cette réalité urbaine qu’ils n’ont jamais connue. Ce fut très difficile de s’adapter au cloisonnement d’un petit appartement, alors qu’ils ont toujours connu la vie en plein air .
Du statut de paysan, le père retrouvera un emploi à la Croix Rouge, chez « Chellan François », un paysagiste connu de Marseille. Le papa est très présent, prenant en charge sa petite famille pour les accompagner à l’école, préparant le petit déjeuner, ou coiffant les enfants pour l’école. Le tissu familial est très dense, le père est autoritaire mais chaleureux et attentionné. La maman était toujours active mais autant chaleureuse que son époux. Drifa tirera toute son énergie de ce terreau familial et de cette période. Trois garçons et six filles, c’est une petite tribu , un clan très proche les uns des autres. L’éducation se faisait beaucoup à la maison, les enfants jouaient entre eux.

C’est une vie tout à fait banale, loin de sa campagne enfantine jusqu’au collège. Elle ira au Collège St Théodore entre les Olives et les Martegaux. Durant ces années la famille habite à la Begude.

C’est une élève moyenne, pas très motivée. M. Mafoud, bien que ne sachant ni lire ni écrire, accordait beaucoup d’importance à la scolarité. Après la troisième, Drifa ira aux Abeilles à St Jérôme et préparera un C.A.P. de Sténo-dactylo. Elle effectue le trajet seule. L’adolescente aimait rester chez elle, n’éprouvant pas le besoin de sortir.

En novembre 1982 elle abandonne l’école, puis se marie avec un ami de son frère. Le jeune époux M.Douaflia Faycal est de Font-Vert. Depuis, la famille Douaflia vit dans ce quartier.

En 1983, c’est la naissance de sa première fille, Samia. Drifa est mère au foyer. Puis 1986, c’est Mehdi qui est le premier garçon, puis en 1990 ce sera la naissance du dernier de la fratrie, Yassine.

En 1987 Drifa accompagne ses enfants à l’A.T.O.M./A.D.R.I.M (Association de travailleurs d’Outre Mer ) organisme de médiation sociale, tous les mardi. Elle s’y rend pour la pesée de ses enfants comme dans les P.M.I. actuelles.
Elle participe également avec un groupe de femmes à des ateliers de cuisine. Mireille la responsable et Mme Huce proposaient des sorties, c’est l’époque d’Aicha Zelmat qui s’occupait du centre aéré.
Ce n’est qu’au moment où l’A.D.R.I.M. quitte Font Vert que l’ association Femmes Familles Font Vert (F.F.F.V.) se crée, sous la présidence de d’Aicha Zelmat. Elles prennent le relai, conscientes de leur indépendance. Elles touchent leurs premières subventions via la M.F.A. avec Christiane Bonard qui en gérait les fonds.

F.F.F.V. rompt toute sujétion financière et organise ses propres manifestations : repas, Réunions parents professeurs, action sociale, sorties femmes ou familles, fêtes de quartier, carnaval / guinguette.

Nous faisons beaucoup de choses par rapport à nos ressources

Mme Françoise Morvan, assistante sociale, les pousse à rompre définitivement toute dépendance.

En 1993, la Logirem les sollicite pour organiser 400 repas pour l’inauguration de la réhabilitation de Font-Vert. C’est à partir de cet événement que la visibilité de l’association s’est faite.

De 2009 à 2010 après un emploi d’animatrice socio-culturelle, Drifa est salariée de Femmes Forum Méditerranée située à la rue Longue des Capucins.
Sous l’impulsion d’ Esther Fouchier, elle obtient un détachement pour Font-Vert. Elle travaille autour de l’alphabétisation, des échanges internationaux autour du livre avec l’Espagne, l’Italie, l’Algérie, le Maghreb.
Le Conseil Régional subventionne jusqu’en 2008. Cette année le Conseil Régional vote 11 000€ de subventions qui ne seront jamais payées. C’est le Conseil Général qui allouera la plus grosse subvention.

De 2006 à 2011, aucune subvention du Conseil Général, puis en 2012 F.F.F.V. en perçoit une petite .

L’ association fonctionne grâce au bénévolat , autour de Drifa mais aussi de Mmes Galli, Brahia Nora,Tir Rachida, Amara Saleha, Dékil Rabia, Abbes Souad, et toutes les autres, Rania, Samia, Yamina. Prés de cent trente adhérents (hommes et femmes) se côtoient. Tous les vendredis à 12h30, c’est le rituel du repas.

En 2013, cela fait 20 ans que l’association œuvre même si elle apparaît au journal officiel en 1987.
En 2012, F.F.F.V. reçoit une subvention de 300€. En moyenne l’association reçoit entre 500 et 1000€ pour la fête du quartier ou le repas de Noël.

«Nous faisons beaucoup de choses par rapport à ce que l’on a en ressources. Souvent, pour ne pas fermer, je prends des ingrédients chez moi et les femmes fournissent le café, le sucre et la farine pour faire des crêpes. Nous bénéficions des soutiens ponctuels de la Fondation Logirem, en plus de la mise à dispositions du local associatif.»

Le quartier a beaucoup changé. Il existe une solidarité très importante entre les familles. Les jeunes sont très respectueux, malgré un contexte de grande précarité qui s’installe avec la crise. Ils n’ont pas de travail, certains sont aux chômage, d’autres rejoignent les réseaux d’économies parallèles.

Drifa et son association œuvrent autour de différents axes, avec différents partenaires :
Le droit des femmes avec S.O.S. Femme, C.I.D.F. , la Marche Mondiale des Femmes, en partenariat avec des associations locales (Schebba, M.F.A , L’A.D.D.A.P, Alliance Savinoise, la Logirem et toutes les autres associations qui les sollicitent).
L’accueil des femmes
Les ateliers femmes et les sorties
Les voyages
Les repas des vendredi midi

Drifa nous livre son ressenti après ces longues années de militantisme.
Face à l’isolement des gens, même si parfois elle a envie de baisser les bras, elle se sent responsable et a envie de faire plaisir. Pour cela, elle met tout en œuvre pour réaliser les souhaits. Elle est consciente qu’une association a besoin d’un leader, quelqu’un qui porte le projet et il faut beaucoup de temps avant d’ être reconnu.
L’association vit d’autofinancement, elle fêtera ses 20 ans en septembre 2013. Elle porte le projet d’un livre de recettes culinaires, à partir des repas qui se font le vendredi à l’association ou des ateliers cuisine du mardi matin qui ont lieu 2 à 3 fois par mois.

Malgré toutes ces difficultés Drifa ne regrette rien, elle a beaucoup donné mais a aussi beaucoup reçu en retour de la part des femmes. Quant à quitter Font-vert, la question ne se pose pas. La famille y est bien, chacun a ses repères, c’est comme un grand village.

Texte J.P Ega