Ahmed Manessour

« Le retour aux valeurs essentielles »

Ahmed Manessour est né le 25 juin 1974 à Marseille , il a toujours habité Font-Vert. Son père, né en 1937,  est primeur, sa maman est mère au foyer. Ils ont 9 enfants.

Ahmed est scolarisé à Font-Vert en primaire, puis au secondaire au Collège Clair Soleil dans le 14ème. Il a connu les chalets de la Maternelle, vestige de l’époque des Bidonvilles de Font-Vert, en face de la nouvelle école de la Maternelle, créés en 1964. Ahmed se souvient de cette époque avec un soupçon de tendresse.

LE FONT- VERT DE MON ENFANCE

Les primeurs appartenaient aux familles Boutella et Gally (actuellement c’est la famille Tir). Il y avait d’immenses rochers face aux primeurs qui nous servaient de montures.
À cette époque, il y avait des rivalités entre les jeunes de Font-Vert – Picon – Busserine – Les Flamants – Il y a des mentalités différentes entre jeunes des différents territoires.

Pendant toute mon enfance, j’ai gardé le sentiment d’appartenance à Font-Vert. Nous nous considérions comme des « Font verriens ». Les filles (nos sœurs) ne se mélangeaient pas avec les garçons des autres quartiers. Font-Vert jusqu’à ce jour a toujours été très enclavé, malgré le « pont de l’amour » qui le relie aux Cités Picon – Busserine et le tunnel, unique lien pour aller à Picon plus usuellement appelé à l’époque « Campagne Picon ».

En 1986, quand il n’y avait plus de pain sur Font-Vert, on craignait de passer sous le tunnel pour se rendre à Picon, on y allait à deux ou trois copains. C’était l’époque de l’ADRIM et de M. Alain, avec les premières animations et sorties hors quartiers, vélos, grottes.

Mes parents se séparent alors que je n’ai que 10 ans, mon père se remarie quelque temps après et de cette nouvelle union naîtra 4 enfants.

L’OUVERTURE

Puis en grandissant adolescent, Il choisit de découvrir le monde et les échanges extérieurs : « Centre Ville et Font-Vert ».
Ses études se poursuivent à St Henry en 3éme Technologie au Lycée Bernex, puis une première année de BEP Secrétariat en 1988 au Lycée de la Joliette au Centre Ville. Sa maman décède, Ahmed a 16ans.

Nora l’actuelle présidente de l’association, de quelques années l’aînée d’Ahmed, se rappelle que pour elle il n’ y avait pas trop de va-et-vient entre le quartier et la périphérie. Ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle a pu, grâce au Collège Manet, fréquenter les collègues de la Busserine, des Iris et des Flamants, car elle ne fréquentait pas les jeunes de Font-Vert. Nelly est arrivée à Font-Vert en 2004 et jusqu’en 2008 elle raconte qu’elle ne se sentait en sécurité qu’à Font-Vert et pressait le pas pour traverser la Busserine.

La mixité sociale était une réalité : les familles Roux , Reynault, Barre, Leaudais, Corry, Mendy, Carbila, Dubois, Roméo, partageaient le quotidien des familles immigrées. Font-Vert paraît moins violent que les quartiers limitrophes. Les gens entre eux étaient plus solidaires. Il n’y avaient pas beaucoup de déplacement de populations alors qu’aujourd’hui il y a de nouveaux arrivages de populations encore plus marginalisées et précaires (yougoslave, russes, turcs…)

Durant le mois du Ramadan 2010, un règlement de compte en date du 26 Aout a créé une véritable psychose. Un sentiment de crainte et d’insécurité a envahi le quartier.

Il y avait le respect des aînés et ce sentiment d’appartenance a une communauté. L’impression permanente d’être surveillé dans ce territoire enclavé, d’où un sentiment de liberté ailleurs hors des frontières invisibles.

1994 : Ahmed est déscolarisé, il découvre à 20 ans le monde du travail à travers un contrat C.E.S. à la Visitation avec l’association Tout Horizon.

Très vite indépendante et autonome, alors que les parents travaillaient, la jeunesse de Font-Vert se prend en charge.

1995 : il passe son B.A.F.A. avec les FRANCA et découvre Marseille à partir d’escapades, la fête des mimosas de Château Gombert, le bal des pompiers…

Mais Font-Vert lui suffit tel un microcosme, un petit village indépendant de tout où chacun se connaît, avec le Parc de Font Obscure pour espace vert, le Pic de l’Etoile et la Batarelle pour les excursions et ballades en vélo. Ahmed garde de cette période de sa vie le souvenir d’une enfance dorée.

La découverte de la France se fera à travers les colos comme beaucoup de jeunes.

PARCOURS ASSOCIATIF

1997 : Ahmed s’intéresse à la vie sociale de son quartier et rencontre le père Joseph Chevrot, une personnalité locale qui milite à ce jour encore sur Font-Vert.

Ahmed est chez ses parents et participe à la création de l’association de locataires de Font-Vert. Il en est le vice-président, la présidente était Zaya Boustani, le secrétaire Ahmed Boukechem, et Joseph Chevrot le trésorier.

Il milite également avec Charles Hoareau et le Comité de Chômeurs de la C.G.T. C’est avec eux qu’il obtiendra en 1998 la création de la Prime de Noël.

Puis entre 1992 et 1995 c’est la réhabilitation de Font-Vert avec la destruction des bâtiments H- T- R- D, afin de redonner au quartier une dimension plus humaine, sous le mandat de Robert Vigouroux. Les familles seront relogées ici ou ailleurs (Air Bel, Savine, Caillols, Plan d’Aou) dans les différents sites de la Logirem.

Ces départs ont été mal vécus par la population. Pour ceux qui sont restés les liens se sont renforcés. Pour les parents qui ont construit au Bled, la déception viendra plus tard car les enfants français restent en France de fait, souligne Ahmed. Ils font des va-et-vient et ne trouvent pas leur place « dans ce voyage entre deux rives ».
Souvent ouvriers qualifiés, 8 à 9% de la population de Font-Vert a acheté ici.

Ahmed crée le groupe Timgad, groupe de danses Orientales Chaoui en 1998.

En 1999, il crée son propre emploi à partir du Comité Chômeurs en tant que Médiateur Social jusqu’en 2001, avec l’A.P.D.E.M. (Association Pour le Droit à l’Emploi à Marseille).

Ahmed se marie le 13 Mai 2000, puis de retour au chômage 2001/2002 avec de petites embauches dans l’animation.

2000/2007 : il habite la Busserine pendant sept ans et découvre un milieu associatif dense plus ouvert, très militant. Il se sent bien et à sa place. Il découvre Jacques Marty et y rencontre Schebba, le Comité Mam’Ega, Body and Soul, Main dans la Main, la Maison de Quartier.
Ahmed a entre temps deux enfants. C’est avec un pincement au cœur qu’il doit quitter la Busserine  pour un appartement plus grand. Il retourne vivre à Font-Vert où il a un T4.

2007 / 2009 : Il est agent de sécurité à l’ A.P.H.M – Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.
Depuis 2009 il est demandeur d’emploi. Il envisage une formation dans les espaces verts ou dans le secteur de l’Animation qu’il connaît bien.

Ahmed poursuit son activité de bénévole à l’association des locataires.

ÉDUCATION , CULTURE DE L’ECONOMIE ET DE LA RELATIVITE

Dans le Font-Vert des Années 80 l’économie parallèle fait son apparition discrètement, « on essaye… ». Elle prend la place de la petite délinquance, vols de voitures, de postes et plus rare, vol de camions, d’électronique et d’électro- ménager.

1995 : la visibilité de la vente de haschich est plus assumée et à ce jour comme dans toutes les Cités de Marseille, elle a une place.

2006 : la crise des cinq dernières années pourrait être moins difficile si les parents arrivaient à se positionner sur le plan des valeurs essentielles, nous souffle à l’oreille Ahmed Manessour. L’éducation, la culture de l’économie et la relativité pour faire face à la difficulté économique mondiale, nationale et locale.

Apprendre à faire avec, à ne plus gaspiller, à partager, voilà la trame de la pensée du jeune Ahmed Manessour. La crise plutôt qu’accentuer l’exclusion devrait permettre de renforcer le lien social. C’est selon moi tout une pensée révolutionnaire, l’objet d’une campagne politique, le moteur d’un véritable plan d’action social que nous soumet Ahmed, qui bénéficie depuis peu du R.S.A., qui milite sans compter et qui dit ne pas être malheureux.

La crise économique va apporter un désir de retour possible au pays pour la génération d’Ahmed Manessour, ou alors d’autres plus jeunes font le choix d’acheter ici. Ahmed témoigne de la nécessité d’avoir une qualification pour décider de retourner vivre au pays.

Ahmed ne se sent pas plus démuni face à la crise, car il a appris à ne pas gaspiller, à faire avec le minimum et ce bien avant la Crise. Cette dernière ne justifie plus un « C » majuscule, de fait pour lui ce n’est pas un « tsunami » dans sa vie personnelle. Pourtant il reconnaît qu’autour de lui, il voit des familles plus démunies et plus de distributions de colis du Secours populaire présent dans le quartier. Certains sont en situation de survie, de cohabitation, d’exclusion pour loyer impayé.

Permanence de l’association C.L.C.V.

Mardi de 14h30 à16h30
Tél : 04. 91.42.59. 84.